Fresh Mango Juice #6 - Décembre 2022
Indonésie
Adoption d’un nouveau code pénal très critiqué
Le parlement indonésien a adopté un nouveau code pénal devant, selon les termes du ministre de la justice, en finir avec “l’héritage colonial” pesant sur l’édifice juridique du pays.
En effet, le contenu des clauses puise directement ses sources d’inspiration dans les mouvements fondateurs de la lutte pour l’indépendance : le nationalisme et l’islamisme – le communisme ayant quant à lui été éradiqué dans les années 1960. La tonalité très conservatrice du texte montre cependant l’ascendant pris par certaines forces islamiques, auprès desquelles le président Joko Widodo est contraint de chercher des soutiens, en particulier suite à sa récente répression de groupes islamistes radicaux mais populaires, comme le Front des Défenseurs de l’Islam.
Le nouveau texte, qui entrera en vigueur après une période de transition de trois ans, a fait l’objet de nombreuses critiques dans le pays comme en dehors, en raison de clauses dénoncées comme liberticides. Parmi les mesures les plus controversées, l’interdiction de cohabitation et de rapports sexuels en dehors du mariage devrait fortement pénaliser les femmes et les personnes de la communauté LGBT, qui subissent déjà d’importantes discriminations.
Les insultes envers le président, le vice-président, le parlement et d'autres institutions de l'État, l'idéologie nationale du Pancasila et le drapeau national, seront désormais passibles de peines d’emprisonnement, de même que la diffusion de “fausses nouvelles” incitant à des émeutes. Or l’absence de définition claire de ce qui constitue une insulte ou une fausse nouvelle laisse craindre un possible détournement de la loi pour exercer des pressions contre les mouvements d’opposition.
De nouvelles mesures de nationalisme économique sur lres premières
Le président indonésien a averti qu’une interdiction d’exportation de bauxite serait mise en place à partir de juin 2023, soulignant la détermination de son gouvernement à développer une industrie nationale de raffinage et de transformation des minéraux.
Cette annonce intervient seulement quelques jours après une visite de Joko Widodo à Bruxelles, où il a déclaré que les relations entre l’UE et l’ASEAN devaient désormais être basées sur l’égalité et non la coercition. Cette prise de position particulièrement ferme fait écho au litige opposant l’Indonésie et l’UE devant l’OMC concernant une mesure similaire prise en 2019. L’organisation internationale a en effet statué en décembre que ni l'interdiction des exportations de nickel, ni l'exigence de transformation nationale n'étaient conformes aux règles du commerce mondial. Le gouvernement indonésien a déjà annoncé qu’il ferait appel.
L’exportation d’huile de palme sera également soumise à de nouvelles limitations en 2023, afin de garantir un approvisionnement domestique suffisant, en particulier pour soutenir le programme indonésien de transition vers les biocarburants issus de l’huile de palme.
Philippines
Création d’un fonds souverain controversé
Le parlement philippin a approuvé à une écrasante majorité la création du Fonds d'investissement souverain Maharlika, qui doit permettre de financer des grands projets d'infrastructure.
Le capital initial du fonds sera approvisionné auprès de deux banques publiques, la Land Bank of the Philippines et la Development Bank of the Philippines, qui apporteront respectivement l’équivalent d’environ 840 et 420 millions d’euros. D’autres financements proviendront des dividendes de la banque centrale des Philippines ainsi que des revenus des jeux et de la privatisation d’actifs.
Mesure phare du gouvernement Marcos Jr, la création du fonds a été votée après moins de deux semaines de débats parlementaires, en dépit de vives critiques. Les opposants à cette mesure ont avant tout questionné la pertinence de créer ce fonds compte tenu de la situation économique des Philippines : loin de recevoir des surplus de richesses, ce fonds sera alimenté par la dette, alors que le taux d’endettement de l’Etat est déjà alarmant.
L'implication de la banque centrale fait par ailleurs craindre une perte d’indépendance, tandis qu’un groupe d'économistes composé d'anciens fonctionnaires, de chercheurs de think-tanks et d'universitaires, avertissait que “ce projet de loi confus, incohérent et redondant ne fait que (…) permettre le copinage, la recherche de rente et la corruption.” Certains analystes sont allés jusqu'à mettre en garde contre la possibilité d'un scandale de corruption type 1MDB malaisien.
Une occasion manquée pour le sommet UE-ASEAN
Le premier sommet physique des dirigeants de l’UE et de l’ASEAN a été transformé à la dernière minute en “sommet commémoratif” pour les quarante-cinq ans de relations diplomatiques entre les deux organisations régionales. Sans surprise, rien de remarquable n’est sorti de cette rencontre édulcorée, si ce n’est la promesse d’un investissement de 10 milliards d’euros d’ici 2027 dans des projets d'infrastructure et de connectivité.
,Ursula von der Leyen delivers a speech at the EU-ASEAN summit in Brussels [John Thys/AFP]