Fresh Mango Juice #11 (juin 2023)
Tensions en mer de Chine, remous politiques en Indonésie et en Thaïlande...
(1096 mots)
🇵🇭 Collision en Mer de Chine : quel risque d'escalade ?
Une collision entre des navires des garde-côtes chinois et de la marine philippine, suivie pour la première fois d'un affrontement direct entre marins, a fait craindre une escalade en mer de Chine méridionale.
Le président Marcos Jr. a qualifié l'incident « d’action délibérée de la Chine, mais pas d'attaque armée ». Le ministre des affaires étrangères philippin a annoncé que son gouvernement continuerait à rechercher des « mesures de réassurance » avec Pékin par l'intermédiaire du mécanisme de consultation bilatérale sur la mer de Chine méridionale. Cette déclaration mesurée fait écho à l’anxiété de l’opinion publique quant à la possibilité d’un conflit avec la Chine : un sondage datant de mars révélaitque 76 % des personnes interrogées considéraient la Chine comme la « plus grande menace » pour les Philippines. Les États-Unis ont quant à eux dénoncé des actions « escalatoires et irresponsables » et ont réaffirmé que leur traité de défense mutuelle avec les Philippines s'appliquait en cas d’agression envers leur allié en mer de Chine.
L’incident survient sur fond de tensions exacerbées entre les deux pays, entre autres alimentées par de nouvelles querelles juridiques :
Fin mai, la Chine imposait une interdiction de pêche sur l’ensemble des territoires qu’elle revendique en mer de Chine méridionale, assortie d’une autorisation pour ses garde-côtes d’arrêter et de retenir jusqu’à 60 jours sans procès les navires non-chinois qui pénètreraient dans ces zones, lesquelles incluent des espaces considérés par Manille comme appartenant à sa ZEE. Les Philippines ont répondu à cette mesure par le déploiement de navires supplémentaires, chargés de protéger les pêcheurs, et par l’émission d’une protestation diplomatique. Il s'agit de la 25ème contre la Chine cette année et de la 158ème depuis le début du mandat du président Ferdinand Marcos Jr. en 2022 - contre 262 entre 2016 et 2021.
Mi-juin, les Philippines déposait une demande d’extension de leur plateau continental auprès des institutions onusiennes, rappelant des démarches similaires initiées par la Malaisie en 2019 et par la même Malaisie et le Viêt Nam en 2009, qui avaient donné lieu à d’âpres échanges par notes verbales interposées. La Chine avait notamment répondu par la publication d’une carte de ses revendications représentées par sa fameuse « ligne à neuf traits ».
Image des forces armées philippines et retransmise par le média en ligne Rappler.
🇮🇩 Élections régionales : ingérence politique et dynastie présidentielle
La Cour suprême indonésienne rendait fin mai une décision repoussant l’application de l’âge d'éligibilité des candidats aux élections régionales, fixé à 30 ans, à la prestation de serment plutôt qu’à la date du scrutin.
Cette décision ravive les craintes d’ingérence de l’exécutif dans le processus électoral, quelques mois seulement après qu’un arrêt de la Cour constitutionnelle a introduit une exception à l’âge d’éligibilité à la vice-présidence, permettant à Gibran Rakabuming Raka, le fils du président Jokowi, de se présenter - et de remporter - les élections de février.
L’arrêt de la Cour Suprême pourrait cette fois favoriser Kaesang Pangarep, le second fils du président, dont il se dit qu’il pourrait concourir aux élections régionales de Jakarta aux côtés d’un cadre du parti Gerindra (le parti du président-élu Prabowo Subianto), voire comme colistier d’Anies Baswedan, ancien gouverneur de Jakarta, candidat malheureux à la présidentielle… et critique assumé du président. Kaesang aura 30 ans en décembre, soit quelques jours après l'élection prévue le 27 novembre. Novice en politique, il a été parachuté à la tête du Parti de la solidarité (PSI) en septembre dernier.
L’applicabilité de la décision de la Cour suprême aux élections de cette année doit toutefois être confirmée par la commission électorale (KPU).
🇹🇭 Des affaires judiciaires à haut risque politique
Les tribunaux thaïlandais ont traité au cours du mois de juin trois affaires dont les répercussions politiques pourraient se révéler majeures pour le pays.
Le Premier ministre Srettha Thavisin, qui a pris ses fonctions en août dernier, est accusé par un groupe de sénateurs conservateurs (c’est-à-dire issus de l'armée) d’avoir violé la Constitution en nommant à son cabinet un ancien avocat (et associé de Thaksin) condamné pour des faits de corruption. Srettha Thavisin risque la destitution en cas de décision défavorable de la Cour constitutionnelle. Une nouvelle audience est prévue le 10 juillet.
La Cour doit également examiner une plainte à l’encontre du parti d’opposition, Move Forward, qui détient 30 % des sièges de la chambre basse suite aux élections de 2023. Le parti est accusé d’avoir enfreint la Constitution en menant campagne sur le thème de la réforme de la loi relative au crime de lèse-majesté. Cette plainte rappelle celle ayant conduit à la dissolution du prédécesseur de Move Forward, Future Forward, en 2020. La prochaine audience est prévue le 3 juillet.
Enfin, Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre évincé par un coup d’État militaire en 2006, a été inculpé par un tribunal de Bangkok pour des crimes de lèse-majesté et autres charges liées à une interview donnée en 2015. Cette mise en accusation pourrait être le signe que l’hyper-activité politique et la popularité de Thaksin, de retour en Thaïlande après quinze ans d’exil, pourrait mettre à mal le pacte conclu entre son parti, vainqueur indirect des élections de 2023, et l'establishment militaire et la monarchie.
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🇵🇭 : Un rapport de Reuters a révélé que l’armée américaine a mené une campagne de manipulation de l’information visant à discréditer le vaccin chinois dans plusieurs pays, dont les Philippines. Plusieurs agences philippines ont immédiatement appelé à mener une enquête. Une majorité de Philippins ont effectivement rejetéles vaccins fabriqués en Chine, préférant les vaccins Pfizer, ce qui a conduit à des retards et à des inégalités en matière d’accès à la vaccination.
🇮🇩 : Les principaux responsables de la construction de la nouvelle capitale indonésienne, Nusantara, ont démissionné de manière inattendue, invoquant des raisons « personnelles ». Leur départ a alimenté les rumeurs sur la viabilité du projet, alors que le président Jokowi continue de considérer le transfert de capitale comme son principal legs politique.
🇹🇭 : Le Sénat thaïlandais a approuvé à une écrasante majorité un projet de loi visant à légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Le texte doit désormais recevoir l'approbation formelle du roi.
🇻🇳 Le président russe Vladimir Poutine a été reçu à Hanoï après sa visite en Corée du Nord, donnant l’occasion aux autorités des deux pays de communiquer sur l'approfondissement de leur partenariat stratégique global. Moscou conserve une place de choix parmi les partenaires du Viet Nâm en raison notamment de liens historiques étroits. Au début du mois, et sans contradiction apparente pour le régime vietnamien, le président nouvellement élu avait également appelé au renforcement des liens avec les États-Unis.
Toujours aussi intéressant, merci Juliette ! :)